Réflexions suite à la dernière phase synodale

Réflexion suite à la phase de consultation diocésaine et du premier document de travail élaboré par le Secrétariat Général du Synode[1]

La première constatation, spectaculaire et hautement significative, est l’absence quasi générale des membres du clergé dans les groupes de réflexion organisés par des laïcs. Est-ce une attitude délibérée des évêques qui se sont contentés, en Juin, à Lyon, d’un « texte d’accompagnement » de la collecte de synthèses diocésaines ? Certes, de bonnes âmes ont probablement pensé que le clergé ne voulait pas peser sur le travail de laïcs. Mais dans les faits, y a-t-il meilleure façon de saboter la synodalité que de faire cavalier seul ? Faut-il rappeler que, par définition, la synodalité implique de marcher ensemble. Ce comportement relève de l’entre-soi d’une institution cléricale et hiérarchique.


Il est bon de lire dans le document de travail que « l’écoute nécessaire des pauvres » ne concerne pas seulement ceux qui manquent d’argent mais, pour faire simple, tous les laissés pour compte. On doit rendre justice au pape François d’avoir toujours tenté d’associer tous les baptisés à la préparation des synodes mais, à mon sens, les grands absents sont ceux qui se sont – ou ont été – éloignés de l’institution ecclésiale sans que l’on s’en inquiète et que l’on s’interroge. A-t-on cherché à les (re)joindre, à leur donner la parole, à les écouter ? A cet égard, l’enquête du conseil de la paroisse Saint Sever-Saint Clément, à Rouen, diffusée par certains bien au-delà du petit cercle des paroissiens habituels, est exceptionnelle. C’est impressionnant de penser que nos pasteurs ignorent superbement ceux qui ne vont pas à la messe, c’est à dire la grande majorité des baptisés, c’est-à-dire du peuple de Dieu. Cette réduction de la pratique chrétienne à la réception des sacrements par ceux qui les délivrent ne relève-t-elle pas de l’auto-célébration ? N’est-ce pas parce qu’ils sont formés à part et se pensent sacrés qu’ils en viennent à se mettre en avant dans des liturgies clérico-centrées ? Pourtant, des études sociologiques révèlent que ceux qui se déclarent chrétiens mais ne vont plus à l’église sont nombreux à prier et agir selon leur foi. Où est passé le bon pasteur qui délaisse son troupeau pour chercher la brebis perdue ?

Pauvres également sommes-nous, privés de moyen d’expression dans l’Église. C’est le paradoxe d’une institution qui défend (tardivement) les droits humains, dont celui d’expression, mais qui ne se sent pas concernée en interne. Une institution qui ignore le dialogue, la concertation, la collaboration, la délibération ; bref, qui fonctionne comme une monarchie absolue de droit divin. Certes, il existe ce que l’on intitule des « conseils » mais, en règle générale justement, on n’attend d’eux ni avis, ni conseil. Il s’agit plutôt de chambres d’enregistrement dont on espère qu’elles seront aussi des « courroies de transmission ». C’est pourquoi il est étonnant de lire: « Nous, évêques, avons besoin de regards compétents pour nous encourager, infléchir, corriger »[2]. Ces « regards compétents » existent. Un exemple, non le moindre, est celui de la Ciase. Qu’a-t-on fait de son rapport ?

Partout, ou presque, on réclame une plus grande place pour les femmes et ce ne serait que justice si ce n’était pas aussi un contresens. En effet, nous les hommes non ordonnés, quelle place nous laisse-t-on ? Sommes-nous plus « gâtés » que les femmes ? Ce n’est pas tant la place des femmes qui est en question que celle des laïcs, hommes et femmes. Quant aux quelques femmes qui se voudraient diaconesses ou prêtres, il n’y a aucun empêchement. Il s’agira simplement de s’assurer de ne pas entretenir le cléricalisme.

La phase des consultations diocésaines terminée, ne nous reposons pas. Tout reste à faire. Penchons-nous, avec tous ceux qui le souhaitent, sur le document de travail pour l’étape continentale. Méditons la citation d’Isaïe mise en exergue: « élargis l’espace de ta tente » (54,2). La synodalité est difficile car elle nécessite une conversion de chacun. Le pape, en est bien conscient, qui a programmé une 2ème session romaine du synode des évêques sur la synodalité et reculé d’un an sa clôture. Laissons sous surprendre par Dieu, lui qui est présent parmi nous, en nous, de biens des manières…

Je souhaite aussi faire de la publicité pour une lettre ouverte dont on trouvera le lien ci-après, et qui a paru sur le site Nous sommes aussi l’église (https://nsae.fr/):

https://nsae.fr/2022/11/18/lettre-ouverte-a-messieurs-les-eveques-de-france/

Cette lettre ouverte pourrait sembler écrite par un jeune fougueux, révolutionnaire et désespéré, n’était sa forme très respectueuse. Il n’en est rien. Jean L’hour qui est prêtre des missions étrangères de Paris, exégète et enseignant a …plus de 90 ans! Cet âge mérite d’être souligné car cela témoigne que les années n’ont pas altéré la vigueur de sa foi, sa pensée, son expression, et sa mémoire. Oui, il a vécu et se souvient du déroulement et des textes élaborés par les Pères conciliaires. Il en a mesuré l’ouverture au monde au nom de l’Evangile. Il fait partie de ceux qui ne voient pas seulement dans Vatican II un concile « pastoral » dans la continuité des conciles dogmatiques de Trente puis Vatican I, auxquels il conviendrait de revenir après une parenthèse éruptive. Pour lui, et pas seulement, l’aggiornamento et la mission d’évangélisation ne sont pas dans une « restauration catholique » de que nombre de plus jeunes s’emploient à rétablir, attendant avec impatience que les témoins de sa trempe disparaissent.  Pour certains l’amnésie n’attend pas le nombre des années; mais pas chez Jean L’Hour.

Bernard Paillot

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[1]https://www.synod.va/content/dam/synod/common/phases/continental-stage/dcs/Documento-Tappa-Continentale-FR.pdf (consulté le 28/12/22).

[2] P. Wintzer, La croix (24/10/22).

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