Synode et synodalité

Ce document a servi lors d’une rencontre organisée par son auteur, Jean-Louis Gourdain le 7 octobre 2021 à la Paroisse Saint-Jacques de Saint-Jacques Sur Darnétal, afin de donner aux participants quelques éléments pour les aider à mieux comprendre les enjeux de la démarche synodale voulue par le Pape François.

Bibliographie

La synodalité dans la vie et dans la mission de l’Église (Commission Théologique internationale, 2018)

Discours du pape François du 17 octobre 2015 : commémoration de la création du synode des Évêques.

Document préparatoire au synode sur la synodalité

Après Jésus, passim

Introduction au De Lapsis (SC 547 éd Graeme Clark et Michel Poirier) de Cyprien.

Introduction

L’occasion de cette séance : Une soirée de réflexion en préparation au synode sur la synodalité, « Pour une Église synodale : communion, participation et mission »ont l’ouverture sera proclamée à Rome, par le Pape François, les 9 et 10 octobre, et, dans notre diocèse, le dimanche 17 octobre et qui s’achèvera au Vatican en octobre 2023.

C’est aussi l’occasion de réfléchir à une dimension essentielle de l’Eglise, qui s’ancre dans la tradition et s’ouvre vers l’avenir.

Document préparatoire : « L’Église de Dieu est convoquée en Synode. (…) Par cette convocation, le Pape François invite l’Église entière à s’interroger sur un thème décisif pour sa vie et sa mission : « Le chemin de la synodalité est précisément celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire ».

  1. Le vocabulaire : le mot synode et sa réalité

Etymologie : συν- ῾οδός faire route ensemble (autre étymologie proposée : συν- ὀδός de οὐδός : seuil d’une porte, entrée de la maison : entrer ensemble dans la même maison, habiter ensemble la même maison).

Bailly : réunion de personnes, assemblée, conseil. Association politique (Thucydide, Isocrate …) Plus tard assemblée religieuse (réf aux Pères)

Ce terme appartient au vocabulaire des associations dans le monde gréco-romain (‘collège en latin’,’ thiase’ ou ‘synode’ en grec. Nombreuses associations dans le monde antique, aux finalités diverses : associations de peuples ou de cités (confédérations) ; associations professionnelles ; associations religieuses : célébrer ensemble un culte (en l’honneur de Dionysos, Mithra etc. et participer à un banquet commun. (Les autorités romaines s’efforcent d’empêcher ces associations de se réunir en secret pour fomenter des complots contre la Res Publica).

Ce n’est pas un terme scripturaire. Dans le NT, on a seulement :

Οἱ συνοδεύοντες : Ac 9, 7 : les compagnons de voyage de Paul lors de sa conversion sur le chemin de Damas.

Συνοδία : Lc 2, 44 : Ses parents cherchent Jésus qui est resté à discuter avec les docteurs du Temple . Ils le cherchent ἐν τῇ συνοδίᾳ « dans la caravane » ( = le groupe de ceux qui font route ensemble). Pape François, Christus vivit n° 29 : « Le terme grec utilisé par Luc pour désigner la caravane des pèlerins – synodia – indique précisément cette communauté en marche dont la Sainte Famille fait partie. Grâce à la confiance de ses parents, Jésus se déplace librement et apprend à marcher avec tous les autres ». Une réf important pour comprendre ce que veut dire le Pape quand il parle de synodalité (cf . infra).

Mais il existe dès l’origine une pratique synodale qui ne dit pas son nom. cf. le synode / concile / assemblée de Jérusalem (Ac 15). Problème : ceux qui deviennent chrétiens doivent-ils se faire circoncire ? Conflit à Antioche. « Certaines gens descendirent alors de Judée, qui voulaient endoctriner les frères : « Si vous ne vous faites pas circoncire selon la règle de Moïse, disaient-ils, vous ne pouvez pas être sauvés. » Un conflit en résulta, et des discussions assez graves opposèrent Paul et Barnabas à ces gens. On décida que Paul, Barnabas et quelques autres monteraient à Jérusalem trouver les apôtres et les anciens à propos de ce différend. (Ac 15, 1-2, TOB) »

Une assemblée se réunit à Jérusalem pour débattre de la question : mais cette assemblée n’est pas nommée synode mais πλῆθος (multitude, v. 12). Après une discussion animée, il est décidé de ne pas imposer la circoncision aux païens convertis. On envoie alors des délégués à Antioche faire part de cette décision dans une lettre : « D’accord avec toute l’Église, les apôtres et les anciens décidèrent alors de choisir dans leurs rangs des délégués qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabas. Ce furent Judas, appelé Barsabbas, et Silas, des personnages en vue parmi les frères. » La décision est celle de toute l’Église inspirée par le Saint-Esprit : « L’Esprit Saint et nous-mêmes, nous avons en effet décidé de ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inévitables : vous abstenir des viandes de sacrifices païens, du sang, des animaux étouffés et de l’immoralité. Si vous évitez tout cela avec soin, vous aurez bien agi. Adieu ! (15, 28-29) ».

Même si on n’a pas le mot, on a tous les éléments d’un synode : discussion d’une assemblée représentative de la communauté chrétienne à propos d’un problème qui se pose à la communauté. Décision inspirée par l’Esprit.

  1. Le synode devient ensuite une réalité traditionnelle dans l’Église

Dans la suite de l’histoire de l’Église, on convoque des synodes locaux (désignés par deux mots synonymes pour désigner une assemblée : concile (origine latine) et synode (origine grecque) pour régler des questions particulières.

À la fin du 2ème siècle, le Pape Victor convoque plusieurs synodes pour régler la question de la date de Pâques.

L’exemple de l’Afrique du Nord est particulièrement parlant : « Il est clair qu’en Afrique du Nord, une procédure de consultation régulière et de résolution conciliaire avait été mise en date de longue date, bien avant les années 250, pour tous les problèmes majeurs de discipline et de doctrine » (Intro de l’édition SC du De Lapsis de Cyprien).

En 251, un concile est réuni à Carthage à propos de la question des « lapsi » (ceux qui ont chuté pendant la persécution : peut-on les réintégrer dans l’Église et à quelles conditions ?). Se réunissent les évêques de la région, accompagnés d’un ou deux de leurs prêtres ou diacres. Même si ce sont in fine les évêques qui prennent les décisions, il ne faut pas négliger la présence des prêtres et diacres ainsi que d’une foule de laïcs : « C’étaient des séances qui pouvaient atteindre plusieurs centaines de participants. » Et d’autres conciles se succèdent sur le même thème dans les années qui suivent, pour affermir l’unité de l’Église d’Afrique.

Cyprien : « Cyprien de Carthage (…) formule le principe épiscopal et synodal qui doit régir la vie et la mission < de l’Eglise > au niveau local et universel : s’il est vrai que dans l’Église particulière, rien ne se fait sans l’évêque (nihil sine episcopo), il est également vrai que rien ne se fait sans votre conseil (des prêtres et des diacres) et sans le consentement du peuple (nihil sine consilio vestro et sine consensu plebis), tout en maintenant toujours fermement la règle selon laquelle « la dignité épiscopale est une ; et chaque évêque en possède une parcelle sans division du tout » (episcopatus unus est cuius a singulis in solidum pars tenetur) (Synodalité dans la vie… n° 25) » Selon M.-F. Baslez, les assemblées synodales de cette époque sont caractéristiques d’une Église en réseaux (Après Jésus p. 455). Elles sont convoquées par des évêques d’envergure qui utilisent leur réseau épistolaire ; après débats et consultation d’experts, une décision est prise à l’unanimité et communiquée sous forme de lettre synodale, qui doit circuler le plus possible et accumuler les signatures, condition du caractère définitif des décisions prises.

En 325 le premier synode / concile œcuménique (de la terre habitée tout entière : en fait ce sont surtout les orientaux qui sont présents) est convoqué par l’empereur Constantin à Nicée pour régler la question de l’arianisme.

Des synodes régionaux (306, Concile d’Elvire (Grenade) réunit des représentants de toute l’Espagne ; 314 : Concile d’Arles etc.) ou œcuméniques (Constantinople 1 en 381 ; Éphèse en 431 ; Chalcédoine en 451 etc. ) sont convoqués pendant tout le premier millénaire.

Au 2ème millénaire, formes différentes en Orient et Occident après la séparation du 11ème s.

En Orient : développement de la synodalité

« À Constantinople s’affirme l’activité d’un synode permanent (Σύνοδος ἐνδημούσα), connu depuis le quatrième siècle également à Alexandrie et à Antioche, avec des assemblées régulières pour examiner les questions liturgiques, canoniques et pratiques, selon des formes procédurales diverses pendant la période byzantine et, après 1454, pendant la période ottomane. Cette pratique du synode permanent est toujours vivante dans les Églises orthodoxes. » (Synodalité dans la vie n°31)

« Chez les orthodoxes, le Saint-Synode est l’assemblée permanente des évêques qui, sous la présidence d’un primat, dirige l’une des Églises autocéphales de la communion orthodoxe. » (Wikipédia).

En Occident :

On continue à réunir des synodes locaux et des conciles généraux (tendance à réserver le terme de « conciles » à ces derniers qui sont œcuméniques sans les orientaux), ces derniers étant convoqués par les Papes : les conciles des 12ème 13ème siècles sont ainsi les témoins de la montée du pouvoir pontifical. La vision d’une Église hiérarchique, rangée sous l’autorité du pape et des évêques, a toutefois tendance à l’emporter de plus en plus sur l’écoute du peuple de Dieu.

Certains conciles œcuméniques ont parfois préconisé l’obligation d’un synode annuel :

Latran IV (1215), le quatrième concile du Latran, Canon 6) préconise la tenue annuelle de synodes sous l’autorité des archevêques. (Wikipédia)

Le concile de Trente : « Le concile établit pour norme la célébration annuelle des synodes diocésains et tous les trois ans celle des synodes provinciaux, afin de contribuer à transmettre l’élan de la réforme tridentine à toute l’Église » (Synodalité dans la vie…n° 35).

Mais ces conciles manifestent de plus en plus une autorité hiérarchique, qu’il s’agit d’imposer (cf. supra : pour le Concile de Trente, conciles locaux = courroies de transmission), sans que la voix du peuple soit vraiment écoutée.

« Les synodes diocésains et provinciaux célébrés à partir du concile de Trente n’avaient pas pour objectif, selon la culture du temps, l’implication active de tout le Peuple de Dieu – la congregatio fidelium –, mais de transmettre et de mettre en pratique des normes et des dispositions. La réaction apologétique à la critique de l’autorité ecclésiastique par la réforme protestante et à sa contestation par de nombreux courants de la pensée moderne, a accentué la vision hiérarchique de l’Église comme societas perfecta et inæqualium, vision qui a porté à identifier les pasteurs, avec le pape à leur sommet, à l’Ecclesia docens, et le reste du peuple de Dieu à l’Ecclesia discens. » (Synodalité dans la vie…n° 35)

Dans les Églises issues de la Réforme, importance de la synodalité :

« Dans le protestantisme, le synode est l’assemblée responsable du gouvernement d’une Église, dans la mesure où elle a adopté le régime presbytéro-synodal. Des laïcs font partie des synodes protestants aux côtés des pasteurs. » (Wikipédia)

« Selon la confession luthérienne, le gouvernement synodal de la communauté ecclésiale, auquel participent un certain nombre de fidèles en vertu de leur sacerdoce commun qui provient du baptême, est considéré comme la structure la plus conforme à la vie de la communauté chrétienne. Tous les fidèles sont appelés à prendre part à l’élection des ministres et à veiller à la fidélité à l’enseignement de l’Évangile et de l’ordre ecclésiastique. (Synodalité dans la vie, n°36) ».

Vatican II (1962-1965)

À la suite de toute une réflexion qui commence au 19ème s, le concile Vatican 2 réactive le processus synodal.

L’Église est définie d’abord comme peuple de Dieu (chap. II « Le peuple de Dieu » avant le chap. III : « La constitution hiérarchique de l’Église »): « Il n’y a qu’un peuple de Dieu choisi par lui. (…) Commune est la dignité des membres du fait de leur régénération dans le Christ ; commune la grâce d’adoption filiale ; commune la vocation à la perfection » (LG.n°32)

« Les pasteurs sacrés savent bien l’importance de la contribution des laïcs au bien de l’Eglise entière. Ils savent qu’ils n’ont pas été institués par le Christ pour assumer à eux seuls tout l’ensemble de la mission salutaire de l’Église à l’égard du monde, leur tâche magnifique consistant à comprendre leur mission de pasteurs à l’égard des fidèles et à reconnaître les ministères et les grâces propres à ceux-ci, de telle sorte que tout le monde à sa façon et dans l’unité apporte son concours à l’œuvre commune » (LG. n°30)

Mise en valeur du sensus fidei fidelium : « La collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (cf. 1 Jn 2, 20.27), ne peut se tromper dans la foi ; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste moyennant le sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque, « des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs», elle apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel. (LG 12) »

Le synode des évêques : « Des évêques choisis dans les diverses régions du monde, selon des modes et des normes établis ou à établir par le Pontife romain, apportent au Pasteur suprême de l’Église une aide plus efficace au sein d’un conseil, qui a reçu le nom de Synode des évêques. Et du fait qu’il travaille au nom de tout l’épiscopat catholique, ce Synode est en même temps le signe que tous les évêques participent en une communion hiérarchique au souci de l’Église universelle » (Christus Dominus, n° 5) Création de ce synode des évêques par le Pape Paul VI en 1965

Réactivation des synodes diocésains : « Ce saint Concile œcuménique souhaite vivement que la vénérable institution des synodes et des conciles connaisse une nouvelle vigueur afin de pourvoir, selon les circonstances, de façon plus adaptée et plus efficace, au progrès de la foi et au maintien de la discipline dans les diverses Églises. (Christus Dominus, n° 36) ». (Dans notre diocèse, dernier synode diocésain convoqué par l’évêque, Mgr Descubes, à Pâques 2008, après avis du conseil presbytéral.)

  1. Pour une Église synodale

La synodalité : « Le chemin de la synodalité est précisément celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire » (FRANÇOIS, Discours pour la Commémoration du 50ème anniversaire de l’institution du Synode des Évêques, 17 octobre 2015.)

Il ne s’agit plus de se contenter de synodes épisodiques mais de faire vivre ce qui est une dimension essentielle de l’Église : marcher ensemble, clercs, laïcs, consacré(e)s, sur le chemin de Dieu.

Il tema della sinodalità non è il capitolo di un trattato di ecclesiologia, e tanto meno una moda, uno slogan o il nuovo termine da usare o strumentalizzare nei nostri incontri. No! La sinodalità esprime la natura della Chiesa, la sua forma, il suo stile, la sua missione. E quindi parliamo di Chiesa sinodale, evitando, però, di considerare che sia un titolo tra altri, un modo di pensarla che preveda alternative. Non lo dico sulla base di un’opinione teologica, neanche come un pensiero personale, ma seguendo quello che possiamo considerare il primo e il più importante “manuale” di ecclesiologia, che è il libro degli Atti degli Apostoli. (Pape François, Discours aux fidèles du diocèse de Rome, 18 septembre 2021). Le Christ se définit lui-même comme le Chemin, la Vérité et la Vie et il invite ses disciples à le suivre.

Ignace d’Antioche, début du 2ème s. (Ephésiens 9, 2) s’adresse ainsi aux membres de l’Eglise d’Ephèse : « Vous êtes donc tous membres de l’assemblée (synodoi : compagnons de route), porteurs de Dieu (théophoroi) et porteurs du temple (naophoroi), porteurs du Christ (christophoroi), porteurs du sacré (hagiophoroi), ornés en toute chose des prescriptions de Jésus-Christ. » (trad empruntée à Francesco Massa, Après Jésus, p. 111. Avec la précision que le suffixe –phoros, dans le vocabulaire des associations, désignait ceux qui portaient en procession les objets sacrés). L’Église elle-même est définie comme « synode ».

La foi définie comme chemin dans l’Encyclique de Benoît XVI et François, Lumen Fidei, juin 2013) : « La foi nous ouvre le chemin et accompagne nos pas dans l’histoire. C’est pourquoi si nous voulons comprendre ce qu’est la foi, nous devons raconter son parcours, la route des hommes croyants » (§5) ; Importance de cette définition de la foi comme cheminement : ce n’est pas une liste de dogmes, mais une route qui va vers Dieu. On retrouve la caravane de Lc 2, 44 !

Qu’est-ce qu’une Église synodale ? cf. Discours du pape François du 17 octobre 2015 : commémoration de la création du synode des Évêques.

Une Église de l’écoute : « Une Église synodale est une Église de l’écoute, avec la conscience qu’écouter « est plus qu’entendre ». C’est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. Le peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome, chacun à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’« Esprit de Vérité » (Jn 14, 17), pour savoir ce qu’il dit aux Églises (Ap 2, 7). On retrouve ici les notions de participation et de communion. Une Eglise synodale est une réponse au cléricalisme dénoncé dans la Lettre au Peuple de Dieu du 20 aout 2018. Une dynamique de l’écoute qui s’exerce aux différents niveaux de l’Eglise :

« Le Synode des Évêques est le point de convergence de ce dynamisme d’écoute mené à tous les niveaux de la vie de l’Église Le chemin synodal commence en écoutant le Peuple qui « participe aussi de la fonction prophétique du Christ » selon un principe cher à l’Église du premier millénaire : « Quod omnes tangit ab omnibus tractari debet ». Le chemin du Synode continue en écoutant les pasteurs. A travers les pères synodaux, les Évêques agissent comme d’authentiques gardiens, interprètes et témoins de la foi de toute l’Église, qui doivent savoir discerner avec attention parmi les mouvements souvent changeants de l’opinion publique.(…) Le fait que le Synode agisse toujours cum Petro et sub Petro – et donc pas seulement cum Petro, mais aussi sub Petro – n’est pas une limitation de la liberté, mais une garantie de l’unité. En effet, le Pape est, par la volonté du Seigneur, « le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les Évêques, soit la multitude des fidèles »

Une Eglise du service : « La synodalité, comme dimension constitutive de l’Église, nous offre le cadre d’interprétation le plus adapté pour comprendre le ministère hiérarchique lui-même. Si nous comprenons que, comme dit Saint Jean Chrysostome, « Église et Synode sont synonymes » – parce que l’Église n’est autre que le « marcher ensemble » du troupeau de Dieu sur les sentiers de l’histoire à la rencontre du Christ Seigneur – nous comprenons aussi qu’en son sein personne ne peut être « élevé » au-dessus des autres. Au contraire, il est nécessaire dans l’Église que chacun s’« abaisse » pour se mettre au service des frères tout au long du chemin. »

« Ne l’oublions jamais ! Pour les disciples de Jésus, hier, aujourd’hui et toujours, l’unique autorité est l’autorité du service, l’unique pouvoir est le pouvoir de la croix, selon les paroles du Maître : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut parmi vous être le premier sera votre esclave » (Mt 20, 25-27). Parmi vous il ne devra pas en être ainsi : dans cette expression nous rejoignons le cœur même du mystère de l’Église – « Parmi vous il ne devra pas en être ainsi » – et nous recevons la lumière nécessaire pour comprendre le service hiérarchique. »

Ouverture œcuménique :

« L’engagement pour édifier une Église synodale – mission à laquelle nous sommes tous appelés, chacun dans le rôle que lui confie le Seigneur – est plein d’implications œcuméniques.(…) Je suis persuadé que, dans une Église synodale, même l’exercice du primat pétrinien pourra recevoir une plus grande lumière. Le Pape ne se trouve pas, tout seul, au-dessus de l’Église, mais en elle comme baptisé parmi les baptisés et dans le Collège épiscopal comme évêque parmi les évêques, appelé en même temps – comme Successeur de l’apôtre Pierre – à guider l’Église de Rome qui préside dans l’amour toutes les Églises. »

Ouverture à l’humanité tout entière :

Notre regard s’élargit aussi à l’humanité. Une Église synodale est comme un étendard levé parmi les nations (cf. Is 11, 12) d’une façon qui – même en invoquant la participation, la solidarité et la transparence dans l’administration des affaires publiques – remet souvent le destin de populations entières entre les mains avides de groupes restreints de pouvoir. Comme l’Église qui “marche au milieu” des hommes, participe aux tourments de l’histoire, cultivons le rêve que la redécouverte de la dignité inviolable des peuples et de la fonction du service de l’autorité puissent aider aussi la société civile à se construire dans la justice et dans la fraternité, générant un monde plus beau et plus digne de l’homme pour les générations qui viendront après nous. » On retrouve ici la mission, et le concept, cher à François, d’une « Eglise en sortie ».

En guise de conclusion

La synodalité n’est donc pas quelque chose qu’on ajouterait à l’Église, comme une sorte d’ornement superfétatoire. La synodalité est une caractéristique essentielle de ce qu’est, de ce que doit être l’Église.

La pratique des synodes et de la synodalité s’inscrit dans la tradition primitive de la vie de l’Église (ecclesia = « assemblée convoquée »).

S’interroger sur la synodalité, comme nous le demande le pape François, c’est se mettre en route, il s’agit plus d’initier une démarche que de répondre à un questionnaire. Engager un processus synodal, c’est marcher ensemble, clercs, laïcs et consacrés pour annoncer l’Évangile au monde.

L’efficacité de la mission est inséparable de la synodalité de l’Église.

« L’interrogation fondamentale qui guide cette consultation du Peuple de Dieu, comme cela a déjà été rappelé au début de ce document, est la suivante : Une Église synodale, en annonçant l’Évangile, “ marche ensemble ” : comment ce “ marcher ensemble ” se réalise-t-il aujourd’hui dans votre Église particulière ? Quels pas l’Esprit nous invite-t-il à accomplir pour grandir dans notre “ marcher ensemble ” ? » (Document préparatoire, septembre 2021)

Finalement, il s’agit de savoir de quelle Église nous rêvons.

(…) Rappelons que le but du Synode, et donc de cette consultation, n’est pas de produire des documents, mais de « faire germer des rêves, susciter des prophéties et des visions, faire fleurir des espérances, stimuler la confiance, bander les blessures, tisser des relations, ressusciter une aube d’espérance, apprendre l’un de l’autre, et créer un imaginaire positif qui illumine les esprits, réchauffe les cœurs, redonne des forces aux mains » (FRANÇOIS, Discours au début du Synode consacré aux jeunes (3 octobre 2018). (Document préparatoire, septembre 2021

Jean-Louis Gourdain

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